Eveiller les papilles de son bébé, tout un programme !

Le goût du bébé commence à se développer in utero. Mais c’est grâce à l’éducation culinaire que votre enfant deviendra un fin gourmet. Tout ce qu’il faut savoir au moment de la diversification alimentaire…Rien de plus simple et en même temps de plus élaboré que le goût. « Un aliment n’a de goût qu’à partir du moment où il entre en contact avec le mangeur, souligne Nathalie Politzer, responsable pédagogique à l’Institut du Goût. Le goût est une sensation subjective élaborée par l’individu, une représentation mentale des stimulations que nous transmettent nos sens. » Et, en matière de sens, nous sommes particulièrement bien équipés ! «C’est pourquoi le terme de « goût » est un peu galvaudé, car souvent incompris, explique Sandrine Monnery-Patris, chargée de recherche INRA au sein du Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation (CSGA) de Dijon. Mieux vaut parler de « flaveur » qui désigne cet assemblage complexe des sensations en bouche nées de la saveur de l’aliment (sucrée, salée, amère, acide ou « umami », saveur associée au monoglutamate de sodium, célèbre additif de la cuisine japonaise), ressentie sur la langue par les papilles gustatives et leurs microscopiques « bourgeons du goût » ; de son odeur, que l’on détecte par le nez ; de son arôme, cette odeur qui se dégage dans la bouche et monte dans le nez par la « voie rétro-nasale » ; de sa texture, de sa vue, du bruit qu’il fait lorsqu’on le mange (craquant)… Sans oublier les sensations trigéminales, transmises au cerveau par le nerf trijumeau (impression de chaleur, de fraîcheur, de piquant, de « râpeux »…). En mangeant, l’homme est ainsi doué pour percevoir une foule d’informations sur l’aliment. »

Un apprentissage précoce

Tout démarre lors de la vie intra-utérine. Dès le cinquième mois de grossesse, le fœtus découvre les différences de saveurs entre le sucré, le salé, l’amer et l’acide, en « buvant » le liquide amniotique de sa maman, dont le goût est influencé par son régime alimentaire. Des études confirment que plus celui-ci est sucré, plus le bébé en avale ! D’où sa préférence spontanée pour cette saveur douce dès sa naissance… Mais s’il naît avec un goût défini, rien n’est joué pour autant. Ses préférences et ses aversions évolueront au gré de son apprentissage alimentaire. Tant grâce à allaitement maternel – le goût du lait varie en fonction de ce que la maman mange – qu’à partir de la diversification, qui commence entre quatre et six mois.

Mon petit omnivore

Pour survivre et s’adapter à tous les milieux, l’homme doit consommer les aliments les plus variés. Il présente ce que les chercheurs nomment « le paradoxe de l’omnivore ». Nous sommes en effet partagés entre notre besoin de découverte et notre peur de nous intoxiquer. D’où un repli fréquent face à la nouveauté, qui s’exprime puissamment à partir de 2 ans, pour atteindre son apogée entre 3 et 6 ans, à l’âge où l’enfant affirme son autonomie et part à la découverte de son environnement.

Au moment de la diversification alimentaire, les choses sont plus simples. Les bébés semblent avoir assez peu d’à priori sur le goût d’un aliment. « Menée auprès de 300 enfants en crèche de 6 à 18 mois, l’étude Opaline* a montré que, face à un aliment nouveau lors de la diversification, la réaction était positive dans environ 90% des cas, résume Sandrine Monnery-Patris, et dans 10% des cas négatives. A cet âge, les enfants sont naturellement ouverts et curieux. Mais comment expliquer alors que certains tout-petits soient plus « difficiles » que d’autres  ? « Le goût naît d’une interaction complexe entre la maturation des récepteurs ou bourgeons du goût et l’apprentissage, analyse la chercheuse. Ce qui explique la diversité des approches pour expliquer les comportements alimentaires des enfants. L’étude Opaline a ainsi permis de montrer (entre autres) que les pratiques familiales expliquent 25% du degré de sélectivité de l’enfant. Ce dernier est en effet très sensible à la tonalité affective, émotionnelle qui entoure la présentation d’un aliment. Les stratégies autoritaires renforcent l’enfant dans son refus.

Prenons l’exemple des légumes, propose Sandrine Monnery-Patris. Souvent associés dans l’esprit de l’enfant à l’amertume et à un effet post-digestif pas très rassasiant qui renforcent naturellement sa suspicion, ils seront d’autant moins appréciés qu’on le forcera à en manger. : « Si on me force, c’est que ce n’est pas bon naturellement », peut-il déduire inconsciemment. Les stratégies permissives ne sont guère plus efficaces, note la scientifique, qui relève que lorsque la préparation des menus est limitée aux seules préférences de l’enfant, celui-ci est moins exposé à une alimentation variée durant ses premières années. Or c’est justement cette variété qui va faciliter l’acceptation de la nouveauté ».

 

Ainsi, les goûts et les dégoûts dépendent également des expériences plus ou moins positives développées vis à vis des aliments. « Si cette « tranche de vie » qu’est la dégustation est agréable, note Nathalie Politzer, nous trouverons cet aliment savoureux, bon. Si, par la suite, ce même aliment se présente à nous, nous en aurons un préjugé favorable, préjugé qui sera confirmé ou infirmé selon le contexte de cette nouvelle dégustation. »

Diversification, mode d’emploi

Première règle : varier au maximum les plaisirs (en l’absence de contre-indication médicale), puisque, avant 2 ans votre enfant entre dans une période de grande curiosité culinaire. « En évitant toutefois l’explosion en bouche de trop de goûts à la fois », conseille Sandrine Monnery-Patris. Introduisez plutôt pour commencer les aliments les uns après les autres : carotte un jour, brocolis, le lendemain. Et privilégiez autant que possible les purée maison.

Les petits pots sont tout à fait sûrs, et leur qualité n’est plus à démontrer. Mais une purée de carottes « maison » ne sera jamais la même d’un jour sur l’autre, c’est son avantage. Son « goût » variera en fonction de la provenance des carottes que vous acheterez, de sa préparation : mixage, ingrédients associés comme le beurre, le cumin ou la crème… L’odeur qui se dégagera de sa préparation mettra l’enfant en appétit. Et vous ne lui servirez certainement pas de la même manière qu’un petit pot acheté dans le commerce ! Ainsi, il est possible d’éveiller les papilles de votre enfant très simplement, sans se lancer dans des recettes élaborées ! Commentez ce que vous lui donnez à manger, en insistant sur la saveur, l’arôme, la texture… Et, surtout, faites de chaque repas un moment chaleureux, convivial.

On a l’habitude de faire manger le bébé avant les adultes, regrette la chercheuse. C’est dommage, car à cet âge le mimétisme est déterminant dans la construction du répertoire alimentaire. Le comportement du bébé est très proche de celui du raton, qui ne mangera un aliment inconnu que s’il est consommé par un adulte rat à côté. Consommer un aliment (et le déguster à fortiori) donne l’autorisation implicite à votre enfant de faire de même ! »

Si le « goût » s’apprend à tout âge, on voit bien que cet apprentissage est particulièrement important chez l’enfant.

Car c’est avant tout une histoire personnelle, influencée par l’éducation et la culture. « Apprendre à un enfant tout jeune à accorder de l’importance à ce qu’il mange, et non pas simplement à se nourrir, à différencier la spécificité de chaque aliment, à découvrir les notions de satiété et de faim mais aussi de plaisir, permet de réguler par la suite tout risque de dérive alimentaire », conclut Nathalie Politzer.

* L’étude Opaline (Observatoire des Préférences Alimentaires de l’Enfant et du Nourrisson) a démarré en 2005 et arrivera à sa fin mi-2011. Elle vise à comprendre les déterminants précoces des comportements alimentaires.

Le goût, un sens qui évolue

• De la naissance à 6-7 mois, on note chez les bébés une nette préférence pour le sucré.

• Vers 8-10 mois, le sucré perd du terrain au profit du salé.

• Jusqu’à 12 mois, on remarque que l’acide et l’amer sont peu ou moins appréciés mais pas nécessairement rejetés.

Attention, l’expression de votre bébé avalant sa première bouchée n’est pas révélatrice de sa réaction réelle. Même si l’aliment leur plaît, la plupart des enfants font la grimace, surtout si le goût est prononcé. Observez plutôt s’il ouvre la bouche pour en redemander.

• A partir de 24 mois, la phase de néophobie alimentaire commence : l’enfant réduit progressivement le spectre de ses préférences, mais cela n’est que temporaire. Bon à savoir : il faut environ huit ou neuf présentations pour familiariser un enfant avec une nouvelle saveur. Surtout, ne vous découragez rapidement (au bout de deux fois) en cas d’échec !

Un zoom sur son assiette

• De 4 à 6 mois : farine de riz ou de maïs (sans gluten), facile à diluer en bouillie à peine plus épaisse que le lait, facile à digérer, facile à mélanger avec du lait maternel ou infantile.

• Dès 6 mois : farine d’orge ou d’avoine, semoule, riz, pâtes, compote de pomme, banane, poire, pêche, petits pois, carotte, haricot vert, patate douce, potiron.

La diversification commence véritablement, souvent par des fruits comme la banane écrasée (finement) ou la compote de pomme, toutes deux très appréciées par les bébés. Vous pouvez la mélanger au début avec un peu d’eau ou de lait pour obtenir la consistance d’une crème épaisse. Elle pourra devenir progressivement plus épaisse. Pour commencer les légumes, mieux vaut proposer les légumes « jaunes » comme les patates douces et les carottes, généralement plus savoureux et rassasiants que les légumes « verts » comme les petits pois ou haricots verts. Mais attention à diversifier assez rapidement. Servez-les à température ambiante ou légèrement réchauffés. Le réchauffage correspond plus au goût des adultes qu’à celui des bébés.

• De 7 à 8 mois : poulet, agneau, dinde, bœuf, veau, avocat, beurre, huile (maïs, colza, olive, tournesol). Mixez-les

finement, sans les mélanger aux légumes : une cuillère pour commencer, suivie par ce qu’il aime tout particulièrement.

• 9e mois : yaourt au lait entier, fromage (comté, emmenthal ou gouda), flageolets.

• La première année, évitez : noisettes et cacahouètes, chocolat, blanc d’œuf, miel, blé, agrumes (fruits et jus), fraise, kiwi

* en l’absence d’antécédents d’allergie.

Pour en savoir plus : « Petit Larousse des bébés » (Larousse).

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