Pédiatrie en danger

Ces vingt dernières années, la pédiatrie a fait des progrès fantastiques. Entre autres, la douleur des enfants a enfin été prise en compte et des associations se sont créées pour «humaniser» l’accueil des enfants et de leurs parents dans les hôpitaux. Mais d’aucuns disent que les progrès sont menacés par le manque de personnel spécialisé. Qu’en est-il en réalité ? Le point avec le Dr. Caron, président de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA).

Pédiatres en voie de disparition?

Côté Mômes : Quelle est aujourd’hui la situation de la pédiatrie en France ?
Dr F-M. Caron : La démographie des pédiatres libéraux est en chute libre, un pédiatre sur cinq a plus de 60 ans, dans le Nord il n’y a plus qu’un pédiatre de ville pour 9 000 enfants de moins de 16 ans… Il n’y a pas assez de pédiatres pour se conformer aux obligations du dernier plan périnatalité, qui préconise des pédiatres pour suivre les enfants à risques. On dépense des fortunes pour la procréation médicalement assistée, des fortunes pour faire vivre de minuscules prématurés, mais une fois que les mamans et leur bébé sont sortis de l’hôpital, si elles ne sont pas dans une région riche en pédiatres, elles sont dans la nature ! Sans grandes réponses à leurs questions… Or il faut savoir que parmi les enfants nés à moins de 32 semaines, un sur deux aura un problème (moteur, de langage, de comportement…).

CM : Comment renverser la situation ?
FMC : Vu le nombre de départs en retraite dans les dix ans à venir, il s’agit tout d’abord d’augmenter massivement le nombre de pédiatres en formation (de 200 à 600). En 2006, nous avons établi une liste de dix propositions pour une meilleure prise en charge de la santé de l’enfant et pour l’avenir de la pédiatrie française, dont l’installation des nouveaux pédiatres en zones prioritaires, des consultations aux âges-clés, la prise en charge des urgences et des consultations non programmées ainsi qu’une complémentarité renforcée entre la ville et l’hôpital.

Pédiatres: un renouvellement insuffisant

CM : En 2007, le rapport Sommelet commandé par l’ancien ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, poussait un cri d’alarme repris par les médias…
FMC :
Ce rapport, qui reprenait nos propositions, n’a pas vraiment été pris en compte. On a bien été reçu par Roselyne Bachelot en janvier 2008, on a fait les Assises de la pédiatrie en février, mais il n’en est rien sorti au niveau gouvernemental… On ne parle que des généralistes. C’est vrai qu’il y a un problème de médecine générale en France et il faut revaloriser cette profession, mais ce n’est pas en augmentant des postes qui ne sont déjà pas pris qu’on règlera le problème… Il reste chaque année près de mille postes de généralistes non pourvus !

 Alors que les deux cents postes de pédiatres proposés aux internes partent très vite. C’est le 2e choix des filles et le 4e des garçons après l’internat. Donc, il y a un choix politique à faire : soit on accepte d’augmenter le nombre de pédiatres (pour aider les généralistes à remplir leurs missions, pas pour les remplacer), ou la pédiatrie de ville aura disparu dans dix ans. Soit on confie aux généralistes l’ensemble des soins aux enfants et on ne garde des pédiatres qu’à l’hôpital, ce qui irait à l’encontre du bon sens.

CM : Qu’est-ce qui bloque ?
FMC : Il y a deux gros problèmes : tout d’abord, les pédiatres sont tellement peu nombreux dans certaines régions qu’ils sont devenus inaccessibles parce que débordés. Le ressenti des parents par rapport aux pédiatres n’est donc pas toujours bon, du coup ce n’est pas auprès des familles que l’on trouve un appui très fort… D’autre part, la médecine générale parle plus fort que nous. On est 6 000 pédiatres dont 2 500 libéraux… face à 75 000 généralistes ! En tout cas, le manque de pédiatres n’est pas un problème de vocation, comme on l’entend parfois, mais de nombre de postes. Et ce n’est pas une question de sous non plus, car aujourd’hui ça coûte aussi cher de former un généraliste qu’un pédiatre. En plus, ce dernier fera ensuite faire des économies à l’Etat en termes de dépenses de santé (des études le prouvent). D’ailleurs, aux USA, ils ont doublé le nombre de pédiatres depuis deux ans !

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